Dans cet épisode, Alixe et Malaïka sont parties à la rencontre de Nicolas (ATD Quart Monde), Taslim (la Voix des Sans-Papiers) ainsi que Sixtine et Agathe (chercheuses). Ensemble, ils et elles reviennent sur le principe de la « justice sociale » et du modèle que nous défendons afin de pouvoir faire face à des situations telle qu’une pandémie sanitaire.
Un tout grand merci aux personnes qui ont participé à cet épisode : Nicolas, pour ATD Quart Monde, Taslim pour la Voix des Sans Papier ainsi qu’Agathe et Sixtine en tant que chercheuses !
[Générique: Tshegue "Survivor"]
Alixe: Depuis toujours, la solidarité fait partie de nos valeurs phares à Esperanzah! Chaque année, à peine passé le porche, en route vers le Village des Possibles. Les conversations, les échanges et les débats vont dans ce sens. Bon, c'est vrai, le principe semble couler de source, au Village des Possibles. Nous défendons l'accès de tout le monde à une vie digne partout dans le monde.
[Alixe parle sur un fond sonore: captation au Village des Possibles, des personnes discutent]
Alixe: Peu importe le genre, la classe sociale, la condition physique. Mais ce n'est pas si évident, finalement. Et puis, par quoi est-ce que ça passe en fait? Qu'est ce qu'on entend par justice sociale? En fait, la justice sociale, c'est une distribution socialement acceptée entre individus ou groupes de ressources rares valorisées. Alors, elles peuvent être matérielles ou symboliques. Mais si seulement c'était si simple. À l'image de la société, différents courants coexistent sur la manière dont il faut redistribuer ces revenus.
[Premier son de clochette]
Alixe: Il y a le courant qui défend le capital individuel, les libertés individuelles. Et comme l'a rappelé Nabil dans la vidéo de “Tout Va Bien” sur la sécurité sociale, c'est aussi ce courant là qui va faire des économies sur les soins de santé afin que les patrons d'entreprise aient moins à payer, par exemple.
[Second son de clochette]
Alixe: Ensuite, l'autre modèle est basé plutôt sur la solidarité collective et la redistribution pour celles ou ceux qui font face à des risques de la vie. Bref, à tout le monde puisque personne n'est à l'abri d'un accident, d'une situation difficile au travail.
Alixe: La notion de justice sociale est donc assez subjective et n'a pas de définition unique. En gros, ce qu'il faut retenir, c'est que ça touche tout le monde d'une manière ou d'une autre. Et en pandémie mondiale, le partage des ressources, c'est un vrai sujet. Surtout lorsque l'on voit que les oubliés sont toujours les moins privilégiés.
[Transition musicale]
Alixe: Après une longue période, la justice sociale, ou en tout cas une représentation idéologique de ce que doit être la justice sociale, a été mise à rude épreuve. Tout le monde autour de nous en a souffert. Nos partenaires, notre public, nos événements, même toi et moi, en fait. Alors, dans cet épisode, avec Malaïka, ma collègue de “Tout Va Bien”, ensemble, nous revenons sur ce que la pandémie nous a révélé plus que jamais pour les personnes visibles et invisibles, avec notamment Nicolas de ATD Quart-Monde.
Nicolas: (...) Pourquoi on ne doit pas retourner, en tout cas, accepter ce retour à la normale ? Parce qu'on doit quand même se dire que le système était déjà rempli d'inégalités....
Alixe: Ensuite, ce sera Taslim, pour La Voix des Sans-Papiers, qui nous racontera de quelle manière ils et elles ont été encore plus invisibilisés durant cette période.
Taslim: (...) Donc avec le Covid, on s'est trouvés encore plus ignorés...
Alixe: Et enfin, ce seront Agathe et Sixtine qui viendront parler de comment l'outil démocratique peut être utile pour défendre la justice sociale.
Sixtine: (...) Et donc, en fait, ce fossé qui existe de facto entre gouvernants et gouvernés, à partir du moment où il y a des gouvernants, il y a un fossé avec les gouvernés. Mais il est d'autant plus grand que les gouvernés sont pauvres...
Agathe: (...) Il est absolument nécessaire d'inclure la voix des plus pauvres à toutes les étapes du processus démocratique, y compris dans la création de connaissances qui va nourrir le processus politique, mais aussi, dans la prise de décisions politiques...
Alixe: En tant qu'acteur culturel, à Esperanzah!, nous pensons que nous faisons partie de la solution. Il est impératif de recréer des espaces de débats, de confronter nos points de vue, de faire front ensemble et de trouver des alternatives viables pour une société plus juste. Alors, ensemble, changeons les normes et faisons un détour vers un futur démocratique, social, écologique, antiraciste, féministe et queer.
[Générique: Tshegue "Survivor"]
Nicolas: Alors donc moi, c'est Nicolas Décamps et je travaille pour le mouvement ATD Quart-Monde Belgique, qui s'occupe de lutter contre les inégalités sociales directement aux côtés des personnes les plus précarisées.
Des expressions comme "revenir à son quotidien", "revenir à la normale", moi ça me gêne beaucoup parce qu'en fait, elles embellissent pas mal la situation dans laquelle on était avant le Covid. C'est un peu se dire que le quotidien qu'on avait avant, il était acceptable et qu'on pourrait y retourner finalement sans son lutter, en acceptant totalement. Donc ça pour moi, c'est une première raison pourquoi on ne doit pas retourner, en tout cas accepter ce retour à la normale parce qu'on doit quand même se dire que le système avant était déjà rempli d'inégalités. Et enfin, la deuxième raison, c'est que cette crise, elle n'a pas vraiment créé de nouvelles inégalités. Enfin, si, quelque part, mais surtout elle en a renforcé des inégalités qui étaient déjà bien présentes dans le système. Et donc, on ne doit pas l'oublier parce qu'analyser ces dysfonctionnements, voir ce que ça aurait mis en avant, c'est mieux connaître forcément ces dysfonctionnements et pouvoir mieux lutter contre et mieux s'insurger contre. De manière très générale, on a l'impression que cette crise, elle a été gérée d'un point de vue social, sans prendre en compte le vécu et l'apport des personnes qui vivent dans la précarité. Typiquement, on voit toutes les informations qui ont été transmises par rapport aux mesures anti-Covid, etc. Et on se rend compte qu'en fait, on n’a jamais pensé à transmettre correctement ces infos aux personnes les plus pauvres. On a beaucoup insisté sur transmettre ces infos en ligne ou à la télévision, etc. Et nous, on s'est rendu compte sur le terrain qu'il y avait énormément de personnes qui vivent une précarité, qui étaient complètement perdues parce que les infos n'étaient pas vraiment adressées. C'est-à- dire que le langage n'était pas compréhensible pour elles ou pour eux, qu'il y avait des supports auxquels ils n'avaient pas forcément accès, que ce soit forcément un ordinateur, mais aussi pour des gens qui ne savent pas lire ni écrire, n'avaient rien qui était mis en place. Et enfin, parce que là, c'est la communication, mais aussi le contenu des mesures en tant que tel n'était pas du tout adapté à la vie des personnes les plus pauvres. Quand on parle de rester chez soi, quand on parle, on a beaucoup blagué dessus; d'aller faire du kayak ou quoi, on se rend compte que les mesures, elles sont adressées à une certaine catégorie de personnes et que les plus précaires, on se rend compte qu'ils ont été complètement mis de côté. Et forcément, ça a notamment renforcé l'exclusion sociale, ça a créé aussi un climat de peur et d'angoisse qui était hyper important. Et pour les personnes qui n'avaient pas de chez soi, à la rue, on a eu l'impression qu'elles étaient complètement laissées de côté.
Nicolas: Je parlais que cette crise a renforcé les inégalités, l'enseignement, c'est vraiment un très bon exemple dans le sens où, à la base, dans notre système actuel, on est vers une mise en avant des élèves qui réussissent le mieux et qui ont le plus facile. Et on a plus de mal à assurer un suivi avec les personnes qui ont plus de mal à réussir. Et en fait, quand on regarde les mesures qui ont été prises pour lutter contre le Covid par rapport à l'enseignement. En fait, c'est la même chose que ce que je disais avant, c'est qu'on se rend compte que l'on a l'impression que les élèves qui avaient plus de mal dans une situation plus précaire, juste, ils comptaient moins. Typiquement parce qu'on demande aux élèves, par exemple, de suivre les cours via ordinateur. Et on se rend compte qu'il y a vraiment une méconnaissance des conditions de vie des familles les plus pauvres parce que forcément, pour les familles les plus pauvres, ce n'est pas forcément une réalité d'avoir un ordinateur, loin de là. Et donc, on a assisté à vraiment une explosion du décrochage scolaire, notamment dans les familles les plus pauvres.
Nicolas: Ce qui a engendré cette crise, finalement, je pense pour une grande partie des organisations du secteur, ça n'a pas du tout été une surprise parce que c'était annoncé que vu les inégalités préexistantes, on allait avoir vraiment ce renforcement vu à quel point la société ne prend pas en compte les personnes qui sont dans les situations les plus précaires. Et donc, on est vraiment dans ce modèle où finalement, ces personnes, on ne va pas partir d'elles pour essayer de résoudre les problèmes et de soutenir l'ensemble de la société. Et donc, évidemment quand on regarde la crise, cette explosion de l'inégalité part de là. Et encore une fois, j'insiste sur le fait que ça doit être une vraie sonnette d'alarme pour qu'on se saisisse de ces inégalités qui ne sont pas forcément à l'origine de la faute de la crise, mais qu'on s'en saisisse pour vraiment militer et essayer d'avoir une société qui est là pour tout le monde plutôt que pour quelques uns.
Taslim: Moi, je m'appelle, Diallo Mamadou Taslim, je suis membre de la Voix des Sans-Papiers Bruxelles. Depuis 2014, on occupe des bâtiments abandonnés pour les faire vivre et avoir un quartier général pour pouvoir faire notre lutte politique pour la régularisation de toutes les personnes sans-papiers qui se trouvent ici, en Belgique.
[Transition musicale]
Taslim: Avec la Covid, nos risques dont on a été tous victimes depuis 2014, on lutte pour la régularisation des personnes sans-papiers. Non seulement on est sans-papiers, donc c'est comme si on est ignorés par le gouvernement belge dans toutes les circonstances. Toutes les mesures mises en place pour les citoyens belges durant la pandémie, ils n'ont jamais parlé des sans-papiers à commencer par la première ministre, jusqu'à maintenant, le ministre De Croo.
Malaïka: Vous avez été ignorés, c'est ça que tu veux dire?
Taslim: Oui, c'est ça quoi donc on a été encore plus ignorés. Donc, c'est ça aussi le plus grand problème. Pas parce qu'avant, on avait aussi des problèmes de santé, de logement, de travail, d'emploi, avec la Covid tout ça s'est arrêté, ça a accentué notre souffrance. Donc, notre revendication, c'est la régularisation. On veut juste être régularisés. Moi, par exemple, je vis depuis 9 ans ici en Belgique et toujours sans-papiers, donc j'aimerais juste qu'on me considère comme un être humain, à part entière, pour que je puisse contribuer, légalement, pour le développement de la Belgique. Parce qu'actuellement, même si on travaille, on fait du bon boulot et ça ne rentre pas dans les caisses de l'Etat, donc c'est une perte aussi de l'Etat. Ce que je trouve triste parce que la plupart des politiques ne parlent pas de l'avantage des sans-papiers si on les régularise. Mais ils ne parlent que des peurs non fondées. Alors que les avantages sont fondés, mis même sur écrit par les universités, par même l'organisation qui recrutent des travailleurs ici en Belgique, comme Actiris. Ils ont fait une étude qui prouve que si on régularisait les sans-papiers, donc ce sera un bon plus pour l'énergie de l'économie belge. C'est surtout pour les personnes qui vont être retraitées, si tu travailles toute ta vie après tu pars à la retraite, après on ne peut pas te payer la retraite. La Belgique ne parle pas de ça. Le gouvernement ne parle pas de cela, mais pourtant il y a beaucoup de choses, donc, qui cassent. C'est ça aussi le problème.
[Musique: Wollan - Meryl]
Sixtine: Je m'appelle Sixtine, je suis doctorante en Théorie de la Démocratie à l'UCLouvain, je fais ma thèse sur des mécanismes de démocratie directe au niveau local.
Sixtine: En fait, on parle souvent de crise de la démocratie et je vais d'abord commencer par cette entrée là pour comprendre comment les plus pauvres sont exclus de ces prises de décisions politiques. Alors, on voit souvent que ce soit le fossé grandissant entre gouvernants et gouvernés, que ce soit le déclin du taux de participation aux élections et notamment parmi les plus pauvres, que ce soit l'augmentation des inégalités sociales ou la montée du populisme. Il y a des signes de dysfonctionnements de notre démocratie représentative qui se multiplient et qui montrent qu'elle est incapable de résoudre certains défis. Et alors au-delà de ces signes, on peut se demander quand la démocratie représentative fonctionne vraiment comme prévu et qu'elle n'est pas donc en crise. Est-ce qu'elle est à même de faire participer tout le monde en politique, y compris les plus pauvres?
Sixtine: Maintenant, si on remonte historiquement à la création de la démocratie représentative aux 18e et 19e siècle, elle n'a jamais visé à la participation des personnes qui ne faisaient pas partie des élites économiques. Donc, le but, le droit de vote était uniquement réservé aux propriétaires et donc, ça excluait tous les autres qui étaient dépourvus de propriété de la sphère démocratique. Le suffrage universel a ensuite été acquis après des longues et dures luttes du mouvement ouvrier. Il a été étendu par le mouvement féministe et il a permis à tout le monde, en tout cas tout le monde nationalité belge, de pouvoir voter pour des représentants et représentantes. Mais si on regarde la sociologie, au final dans les parlements aujourd'hui, on voit que la plupart des personnes qui sont élues sont des personnes qui ne sont pas du tout issues des milieux populaires, qui ont souvent beaucoup de moyens et/ou qui sont diplômées. Et donc, même si elles peuvent voter, les personnes les plus pauvres ne sont pas du tout représentées au parlement. Et cela est dû au fait que pour avoir accès à un poste politique, il faut avoir les moyens financiers. Il faut avoir les moyens culturels et les moyens sociaux de pouvoir se présenter.
Sixtine: Il y a aussi un principe fondamental à la base des élections qui est un principe foncièrement élitiste, voire même aristocratique, dans le sens où ça vise à élire les personnes qui se distinguent du reste de la population, qui sont considérées comme les meilleures. Maintenant les meilleurs pour quoi? Pas les meilleurs pour connaître le quotidien de la population la plus pauvre. Et donc les élections, contrairement à d'autres mécanismes comme le tirage au sort, ce n'est pas du tout un mécanisme de sélection de personnes qui permet un accès égalitaire à la politique. Et donc, cela mène à une classe gouvernante qui est complètement déconnectée de la réalité du quotidien, des plus pauvres, de "ceux d'en bas", comme l'a revendiqué le mouvement des gilets jaunes. Ce fossé qui existe de facto entre gouvernants et gouvernés à partir du moment des gouvernants, il y a un fossé avec les gouvernés. Mais il est d'autant plus grand que les gouvernés sont pauvres. Et donc, en plus du fait que les personnes au parlement sont déconnectées de la réalité du quotidien des plus pauvres, elles sont incapables forcément d'adapter des mesures qui répondent vraiment à leurs problèmes. Et surtout le fait que les principales personnes qu'elles vont écouter ne sont pas du tout les plus pauvres, mais plutôt le patronat et les élites économiques alors que la richesse existe grâce au travail des plus pauvres. Les élites économiques proviennent des mêmes milieux sociaux, elles ont les mêmes intérêts et les intérêts que la classe gouvernante que les dirigeants vont défendre ne sont pas du tout ceux des personnes les plus pauvres, mais plutôt les intérêts de ceux à qui elle ressemble, quand ce n'est pas parfois les mêmes personnes issues des mêmes lieux qu'elle écoute et dont elles vont défendre les privilèges. Cette classe capitaliste qui détient la propriété privée, des instruments pour pouvoir produire, rendre des services, voyager, se loger, soigner, etc. Donc, pour faire adopter des politiques en faveur des plus pauvres, il faut qu'ils soient les auteurs de ces lois. Mais pour que les plus pauvres aient le pouvoir politique en quelque sorte, permettrait aussi d'aller plus loin. Il permettrait de radicalement changer la manière dont fonctionne la sphère économique et d'éradiquer la pauvreté et les inégalités sociales. Le but, ce n'est pas simplement de faire participer les plus pauvres en politique, c'est aussi tout simplement qu'il y ait plus de pauvres.
[Transition musicale]
Agathe: Moi, je m'appelle Agathe, je suis docteur en sciences politiques et sociales, aussi à l'UCL. Les problèmes auxquels nous faisons face aujourd'hui, en particulier les problèmes qui nous ont menés à ces crises sociales et écologiques auxquelles nous faisons face, sont bien trop complexes pour être résolues par des experts ou des scientifiques seuls. Pour garantir une participation plus effective à la démocratie des plus pauvres, il faut mettre en place des dispositifs adaptés aux personnes qui sont les plus éloignées du monde politique. Dans la recherche, par exemple, cela passe par une co-construction patiente avec des personnes en situation de pauvreté, des personnes marginalisées, des personnes exclues à chaque étape du processus de la recherche. Donc, il ne s'agit pas seulement d'obtenir des témoignages que les scientifiques vont ensuite analyser, mais il faut un respect profond pour chaque participant, être vigilant à aller au rythme des personnes qui ont le plus de mal à participer et mettre en place les conditions pratiques pour leur permettre de prendre part réellement.
Agathe: Il faut, avant tout, reconnaître chacun et chacune comme étant détenteur de savoirs et de réflexivité, c'est-à-dire de capacité à prendre du recul sur sa situation et éventuellement, pour arriver à un monde plus juste. Il est absolument nécessaire d'inclure la voix des plus pauvres à toutes les étapes du processus démocratique, y compris dans la création de connaissances qui va nourrir le processus politique, mais aussi dans la prise de décisions politiques. En fait, les solutions qui émergeront des processus qui sont réellement démocratiques et non pas réservés aux plus riches ou aux plus instruits vont être plus proches de la réalité des personnes les plus en difficulté et donc il y a plus de chances qu'elles fonctionneront pour chacune et chacun d'entre elles/eux. Comme exemple, nous pouvons citer par exemple le croisement des savoirs, une méthode développée par le mouvement ATD Quart-Monde dans les années nonante, qui vise à croiser les savoirs des personnes en situation de pauvreté, des professionnels qui travaillent avec elles et des scientifiques. Et donc, l'idée, c'est de vraiment croiser les savoirs, d'inclure ces trois types de savoirs pour créer des meilleures propositions politiques et des meilleures solutions.
Agathe: Il y a d'autres exemples. Par exemple, le Service de lutte contre la pauvreté, qui est un service interfédéral qui prend en compte la voix des plus pauvres à chaque étape de la création d'un rapport bisannuel qui est écrit tous les deux ans. Et ça, c'est un processus vraiment intéressant qui permet une participation des associations aux personnes en situation de pauvreté, prennent la parole et une vraiment une co-construction de ces rapports qui sont à chaque fois choisis avec des thématiques différentes. Donc, il existe des solutions. Il existe vraiment des dispositifs, soit dans la recherche, soit dans le monde politique qui permette cette participation réelle des personnes les plus pauvres. Mais encore faudrait-il que les politiques prennent en compte les recommandations qui émergent de ce genre de processus.
Agathe: Donc, je pense qu'il faut vraiment aller au-delà des processus de simple consultation pour aller vers une réelle co-construction des politiques publiques avec les personnes qui vivent dans la pauvreté. Et donc, il y a plusieurs manières de le faire. On pourrait exiger, par exemple, des évaluations avant la mise en œuvre de politiques publiques. Des évaluations qui essaieraient d'estimer l'impact de ces politiques publiques sur les personnes en situation de pauvreté pour s'assurer qu'il n'y aurait pas d'effets pervers de ces politiques sur les plus pauvres. On pourrait aussi imaginer des quotas dans nos parlements pour être sûr d'inclure une plus grande diversité de voix, y compris des personnes qui vivent la misère. Il y a toute une série d'innovations ou de solutions possibles pour améliorer notre démocratie et la rendre plus inclusive. Mais il faut avant tout une volonté politique pour élargir notre démocratie à celles et ceux qui ont été exclus jusqu'à présent.
[Générique: Tshegue "Survivor"]
Alixe: Après ces rencontres, il nous est paru évident qu'on ne veut pas de "retour à la normale". Le Covid n'a pas créé de nouveaux problèmes, mais a renforcé ceux qui existaient déjà. Les règles et le système décisionnel sont mis en place et pensés par et pour les élites et à Esperanzah!, nous ne défendons pas ce modèle. Nous défendons une justice sociale basée sur une redistribution collective, car nous pensons que tout le monde a droit à une vie digne. Et cela passe par la régularisation des sans-papiers et par une démocratie beaucoup plus inclusive où les personnes précarisées ne sont pas juste consultées, mais elles contribuent directement à la construction de nouveaux systèmes. Alors, on vous propose de retrouver les campagnes en cours qui visent notamment à améliorer les conditions des personnes précarisées dans le descriptif de cet épisode et ensemble, faisons un détour vers un futur plus solidaire.
[Générique: Tshegue "Survivor"]
Alixe: Ce podcast a été réalisé par Esperanzah! Music Festival en collaboration avec Tout Va Bien dans le cadre de sa campagne en éducation permanente avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Tout d'abord, merci à Malaïka. Merci à Radio Panik pour son accueil. Merci à Nicolas pour ATD Quart-Monde et à Taslim pour la Voix des Sans-Papiers. Merci à Sixtine et à Agathe pour leurs interventions. Merci également à Laura pour sa sélection musicale de grande qualité. Vous pouvez retrouver les détails de celle-ci dans la retranscription de cet épisode. Enfin, merci également au groupe de travail podcast pour sa relecture et ses bons conseils. Et enfin, merci aux différentes personnes et collectifs du village des possibles qui sont venus alimenter les prémices de ce projet et que l'on retrouvera dans les prochains épisodes.
[Générique: Tshegue "Survivor"]